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Chroniques de l'ile oubliée

Kupka Ankh Balthazar : Chroniques de l'ile oubliée

2016/02/12 14:01
de Kupka Ankh Balthazar
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Feux d’or

Star Artist by Roberto Weigand

Fantaisie hermétique

[Prologue]

Un jour, me croirez-vous, je partis sur la lune.
Nulle nuit plus douce que si longue journée,
Il ne me fut depuis; dans ce matin ouaté
Que ne pouvait briser influence importune,

Usant d’artifices, l’astre blanc m’emporta.
Éon gibuleux, feu d’or de mes longues nuits,
L’ardeur de ses rayons éthérés me happa.
Uranie transforma mon plein jour en minuit.

 

Coelestis-nigra
[Acte I]

En ballon je gagnais l’océan sélénite,
Unique escapade sur la mer des soupirs.
Rayonnantes ondes où vinrent insolites,
Au mitan des courants étoilés du désir,

Œuvre au noir orée des lueurs impénitentes
Livrées aux feux invisibles des météores
Au croissant albée de la lune captivante
Nids de lumière nacrée, cent perles de lune,

Halées jusqu’à nous par cent vagues dentelées.
Emmenées par le flot jusqu’aux abords des dunes,
Nacelles fragiles des rêves pétrifiés,

Cyrano, mon aérien vaisseau revenu
Par terrestres contrées chargés de ces trésors,
Reprit, rapide argent, son voyage assidu.

 

Anatomia-alba

[Acte II]

Mnémosyne inspirante au verbe ciselé
Intrigue au firmament Le portail étoilé,
La rose des vents sous le secret manteau noir,
Lapidaire animée de mille trajectoires.

Enlevé au ciel par attraction invisible,
Éternelle marée des larmes de l’aiguail,
Sous emprise de lune, vagues indicibles,
Cristallines ardeurs d’un océan d’opale.

Attaché aux embruns pourvoyeurs de jouvence,
Paisible traversée du vaisseau voyageur
Appareillant sur l’ondée céleste en partance.

Distantes pluies cachées de l’arcane sublime
Enchâssé, gemme blanche sacrée, tendre cœur,
Solide allié des géométries en abîme.

 

Rosa_rubea

[Acte III]

Sous le velours argenté brillent les étoiles
Ostinato diapré que l’automne ensemence
Largo lent de l’hiver habillé de longs voiles
Vert printemps retrouvé, puis l’été en alliance

Ententes muettes des syllabes secrètes
Évidence délivrée en langue de moineaux
Tempus rerum imperator, longues attentes
Coups d’aile multipliés des volatiles d’en haut

Ombreux gardien des bois éternels, jeune hère,
Arpentant la terre lustrale, en son blanc charroi,
Gorgée de purs accords roulant hors des ornières.

Unique et rouge stridence, silencieuse
Lune en decrescendo des frissons où tournoient
Aréiques, les anges servants l’aube heureuse.

[Epilogue]

Décompte mes rimes et lis, relis sans fin,
Ce n’est pas un secret, tout est dit enfin.

Glossaire :
Aiguail : de esgail « rosée » (1561).
Alacrite : [licence] Ardent, (latin alacritas « ardeur »).
Albé : [licence] blanchi, (esp. albear « blanchir »).
Aréique : Privé d’eau. Composé de a-, du grec ancien ῥέω, rhéô (« couler ») et -ique.
Cent : correspond symboliquement au dix-neuvième arcane du Tarot: le Soleil, et symbole de la béatitude céleste
Cinabre : Sous forme élémentaire ou oxydée du mercure, minéral de couleur rouge vermillon.
Cyrano : Nom donné au vaisseau, en hommage à l’écrivain Cyrano de Bergerac, auteur des  » États et empires de la lune et du soleil ». Dans ce récit, le héros est porté jusqu’à la lune par l’évaporation de la rosée du matin sous les rayons du soleil.
Eon : Émanation divine. Pour Platon, c’est le monde éternel des idées (latin Aeon, le Dieu phénicien du temps éternel).
Gibuleux : [licence] gibuleuse, se dit de la lune est presque pleine, quand il ne reste qu’un croissant noir manquant.
Lustrale : Ca 1355 «qui sert à purifier, expiatoire» (Bersuire, Tit. Liv.)
Météore : Dans le sens ancien, phénomène céleste (latin meteorum « élevé, dans les airs »).
Midi & Minuit: Le Midi symbolise l’immobilité et l’absolu. La Minuit, le temps du secret et du jugement divin, qui conduira à la victoire de la lumière. Les Maçons travaillent symboliquement de midi, lorsque le Soleil est au Zénith, jusqu’à minuit, maximum de la luminosité de la Lune, (heure symbolique de fermeture des travaux en loge, le Nadir). Dans la tradition maçonnique, l’« âme réunie » est celle qui rassemble en un seul être, le Soleil et la Lune, le jour et la nuit, Ré et Osiris. C’est aussi le signe du travail accompli.
Mnémosyne : Fille d’Ouranos (le Ciel) et de Gaïa (la Terre), déesse de la Mémoire et créatrice des mots et du langage.
Œuvre au noir : (mélanosis en grec, nigredo en latin) Première phase de l’Œuvre alchimique. Couplée à l’Œuvre au blanc, l’ensemble représente le Petit Œuvre ou « spiritualisation du corps ».
Œuvre au rouge : (iosis, rubedo) Quatrième et dernière phase de l’Œuvre alchimique, l’union du mercure et du soufre aboutissant à l’obtention de la pierre philosophale de couleur rouge. Couplée à l’Œuvre au jaune, l’ensemble représente le Grand Œuvre.
Perle: C’est le cadeau d’une néréide remis à Dame Alchimie dans « les noces chimiques » de Johann Valentin Andreae. Pour les alchimistes, la perle représente la coquille mercurielle au sein de laquelle l’adepte recueille l’eau céleste indispensable à ses travaux (La rosée).
Rapide argent : périphrase pour vif-argent, nom alchimique du mercure. Mercure est, dans la mythologie, le messager des Dieux.
Rosée : Troisième agent de l’Œuvre alchimique, La ‘Rosée’ contient le ‘Sel’ ou feu perpétuel indispensable à l’opération.
Uranie : (en grec ancien Οὐρανία / Ouranía, « la Céleste ») était la Muse qui présidait à l’Astronomie et à l’Astrologie dans la mythologie grecque

2016/02/06 13:01
de Kupka Ankh Balthazar
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La Capitale des songes (1)

Capitale des Songes

Au sud se déploie sur l’océan la myriade d’îlots constituant l’archipel des songes. Ces ilots portaient des noms divers et variés, et leur position géographique, changeante et incertaine, est particulièrement difficile à déterminer. Il arrive que certains, doté d’une homonymie déconcertante se situent pourtant en des lieux différents, tandis que d’autres, apparemment dissemblables partagent momentanément les mêmes coordonnées géographiques.

Il y a un lieu ou ce phénomène d’intrication atteint une sorte de paroxysme. Il s’agit de Mathimgucikjakeok. Ce lieu est plus connu sous son nom commun de Sogodie ou Capitale des songes. Mais ce n’est pas une ile à proprement parler … L’intrication a généré à cette endroit une géographie particulière, dotant l’emplacement de particularités que l’on ne retrouve nulle par ailleurs dans l’archipel. Mathimgucikjakeok possède une attraction propre, et est considéré par certaines juridictions comme un satellite terrestre.

Lorsqu’on s’approche de la capitale, on est surpris d’apercevoir, émergeant doucement des brumes, cette gigantesque structure imperceptiblement oscillante, suspendue au dessus de l’océan. L’ensemble à la forme d’une double pyramide inversée et les habitations sont comme empilées les unes sur, ou sous, les autres, verticalement, de la pointe inférieure au sommet. L’aspect le plus déstabilisant pour le touriste visitant la ville pour la première fois, est d’expérimenter physiquement les forces d’attractions inverses régissant le satellite. Dans la partie zénithale (haute-ville) la différence est imperceptible. Au nadir (basse-ville), en revanche, l’inversion est manifeste.

D’abord inconscient de sa position inversée en parcourant les ruelles de la basse-ville, le promeneur levant subrepticement les yeux, est toujours surpris dans un premier temps de découvrir en lieu du ciel et de ses nuages , la surface mouvementée de l’océan balayé par les vagues.

La surface de la ville s’étage donc dans les deux directions, dans une succession de terrasses, de ruelles pentues, d’escaliers biscornus. Il est assez difficile d’y retrouver son chemin lorsqu’on est pas familier de la géographie du lieu. Heureusement, il y a de nombreuses échoppes, regorgeant pas ailleurs de souvenirs exotiques, qui proposent en sus, le fameux plan de la capitale, sans lequel l’excursion virerait inévitablement à l’ennui.

Nanti de ce plan, la découverte de la mégapole se transforme instantanément en un jeu délicieux, car les surprises inattendues ne manquent pas, et les moyens d’accéder à chacune d’elle sont très clairement expliqués. Si par exemple vous venez d’arriver sur le spatio-port et que vous souhaiter visiter la magnifique cathédrale neo-gothique de Mathimgucikjakeok (comme précisé plus haut, il s’agit du nom originel de la ville, mais sur les guide touristiques on l’appelle communément Sogodie *), vous apprendrez qu’il vous faut d’abord rejoindre le marché aux ânes, passer sous la grande porte de la sérénité, monter la longue rue pentue et zigzagante des teinturiers et des tisserands, contourner le musée de la perle, et traverser les magnifiques jardins suspendus, avant d’arriver à votre destination…

La population y est très diversifiée. on peut parfois y croiser quelques visiteurs venus d’autres planètes et proposant au troc, divers objets tarabiscotés ou magnifiquement ouvragés, dont l’utilité et la destination sont généralement obscures, ces étrangers ne parlant généralement pas la langue locale, et étant de fait incapables de renseigner le badaud intéressé. Hormis ce cas de figure restreint, les appareils de traduction automatique distribués aux portes de la ville permettent de se faire comprendre sans difficulté des autochtones et de la plupart des voyageurs en transit.

Néanmoins, la somme de savoirs et de connaissances réunis dans ce périmètre en ont fait également un des haut lieu de la culture Sogodienne. c’est pour cette raison que l’université y est une des plus réputée et que des étudiants en provenance de toutes les iles de l’archipel, y viennent étudier des matières aussi diverses que la sténotopie angulaire, l’hypermestasie, la mélosomnie et tant d’autres matières peu enseignées ailleurs.

 

Note : Le nom de Sogodie serait semble-t-il, malgré que la source en soit assez obscure et déformée, une allusion au deux villes bibliques, Sodome et Gomorrhe, dont la tragédie raconte l’impossible entente entre les représentants des deux sexes. Le rapprochement serait conforté par l’existence d’une légende populaire  ancienne qui dit que la capitale réintégrera le globe terrestre le jour ou il sera fait la preuve de l’existence d’au moins un couple s’aimant d’un amour véritable au cœur de la cité flottante. *

2016/02/02 15:52
de Kupka Ankh Balthazar
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C’est un jardin

Auburtin_Jean-Francis-Landscape_with_Overgrown_Pond (1890)

Giflant l’onde tourmentée de mes rames sereines,
Porté de rive en rive sur ma barque mutine,
J’accède par cent détours aux portes de l’Eden,
D’où montent tes appels, ensorcelante Sirine.

Viens, bel oiseau charmeur, ouvre mon cœur, bec avide
Et de ton doux chant, luth enchanteur, à mon oreille
égrène, volubile et clair, tes accords joyeux
Tandis que j’aborde à l’estuaire des grands ports.

Moi de mon rêve en sommeil j’ai une page vide,
Un quartier mangé d’ombre bleues où le cœur veille,
Un jardin d’écume et de palmes où le ciel pleut,
Un jardin tout au bout du monde où la lune dort.

En feu, ailes noires, tous mes livres se consument.
Chronos au sablier brisé, destinée rétive,
Ma mémoire escamotée, le goudron sans les plumes,
Cauchemars dormez enfin, j’aborde d’autres rives.

Je m’avance entre les saules et les cornouillers,
Entre les bras étendus du petit matin lisse
Aux senteurs entêtantes d’iris et de laurier.
Pour ce jardin je renonce aux illusions factices.

Griffant vos pages blanches de petits traits de plume,
J’ai senti votre regard penché sur mon épaule.
Je déambulais seul sur vos chemins de traverses.
Vous , muse attentive, vous gardiez mes silences.

Les rimes secrètes naissent des absences nues
Exhortation muette de lianes volubiles
Où s’effleurent, ténues, mille pensées confondues
Ce dessaisissement qui couronne et me décille

Maintenant silence, joyeux luth des soirs sans fin,
Hante l’ombre immortelle du figuier sauvage.
Là mon âme s’envole, et ma soif et ma faim.
Vois c’est près de cet arbre que j’oublie mes orages.

Pour écrire, je quitte l’autre monde, joyeux deuil
À l’heure des ombres douces, s’échangent les grimoires
Comme s’entrelacent la rose et le chèvrefeuille
C’est un jardin éloigné où naissent les histoires …

2016/01/21 17:00
de Kupka Ankh Balthazar
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Sélène & Endymion

selene-endymion_gandolfi
Selene and Endymion, Artist: Ubaldo Gandolfi, 1770, Los Angeles County Museum of Art, CA.

 

Endymion était un berger. Toute la journée, il faisait paitre ses brebis dans les vertes prairies du Péloponnèse. Et quand venait le coucher du soleil il s’endormait contre un rocher à la belle étoile au milieu de ses bêtes, son bâton de berger sous la tête en guise d’oreiller. C’est ainsi que Sélène, croissant céleste, le croisa une nuit lors de sa course nocturne. Attirée par le jeune homme, elle décida par jeu de le séduire. Pleine de ressources, elle lui rendit visite dans ses rêves sous la forme d’une jeune nymphe. Endymion en tomba fatalement amoureux et, se réveillant le lendemain avec son souvenir en mémoire, il se lança dans une quête assidue pour la retrouver. Des mois plus tard, lorsqu’ils se rejoignent enfin, Sélène s’éprit à son tour violemment de lui. Mais désireuse de ne pas le perdre, car Endymion était mortel, Sélène demanda à Zeus une faveur : Le faire dormir éternellement pour préserver sa beauté. Zeus réalisa son vœu et Endymion devint ainsi immortel. Plongé depuis dans un sommeil sans fin, Sélène lui rend visite nuit après nuit sous sa forme lunaire et brillante, et le couvre de baisers …